Trois ors : rose, jaune, blanc ou platine. Trois anneaux entrelacés qui glissent l’un sur l’autre le long du doigt. Plus qu’un bijou, une gestuelle. Plus qu’une gestuelle, un serment, un acte poétique. « Cette bague iconique, à la frontière du bijou et de la sculpture, du féminin et du masculin, du ludique et du symbolique, est née de l'imagination de Louis Cartier en 1924, année où elle figure pour la première fois dans les registres de la Maison », commente-t-on chez Cartier.
Quand Louis Cartier dessine cette bague ludique formée de trois anneaux, celle-ci ne représente au départ qu’une fantaisie accessible basée sur un nombre fétiche, le 3, qui sauve le binôme de son jeu de miroirs en y introduisant une échappée. On a beaucoup dit que dans la Trinity, l'amour était représenté par l'or rose, la fidélité par l'or jaune et l'amitié par l'or gris. Plus convaincante que cette suite où l’amitié semble un élément sacrifié ou sacrificiel, porteur de chandelles, témoin frustré, consolateur ou consolidateur, est celle de la valse de Brel : « Au troisième temps de la valse/ Nous valsons enfin tous les trois/Au troisième temps de la valse/Il y a toi, y'a l'amour et y'a moi. » Et si le troisième élément était tout simplement l’amour, un personnage à part entière qui fait exister les deux autres en tant que couple ? On peut interpréter à l’infini, et c’est là la magie de la Trinity qui, depuis sa création, se prête à toutes les symboliques qu’on veut bien lui donner.
Mais pour devenir une icône, il lui aura fallu être portée par une icône. Et c’est un Jean Cocteau que l’on voit porter la Trinity dès sa sortie, en deux exemplaires plutôt qu’un, sur le même auriculaire, alors qu’il est déjà prisonnier de l’opium, veuf de l’amour de sa vie, Raymond Radiguet, prodige emporté à 20 ans, en décembre 1923, par la fièvre typhoïde. Dès lors, la légende veut que ce soit Cocteau qui ait inventé cette bague. On ne prête qu’aux riches, dit-on, et Cocteau est à l’époque le pourvoyeur de dessins de bijoux surréalistes de ses amies Elsa Schiaparelli et Coco Chanel. Mais rien à voir avec la simplicité de la Trinity, trois couleurs d’or et un mouvement. Au-delà de sa conception, le destin d’un bijou se poursuit sur la peau de celui ou celle qui le porte. Il y acquiert une personnalité différente et de nouvelles significations.
La bague Trinity ne s’appellera Trinity que lorsqu’elle commencera à prêter sa ligne à une collection évolutive. Depuis 1924, les trois anneaux-trois ors deviennent boucles d’oreilles, sautoirs, bracelets, avec des jeux de volumes et de dimensions, jusqu’à cette année centenaire où le modèle devient carré pour la première fois. Pour célébrer le centenaire de cette création iconique, Cartier donnait le 7 février, au Petit Palais, à Paris, une réception exceptionnelle dans un écrin de lumière rouge : la Trinity Night. Y ont notamment été vues les légendes de la K-Pop et du K-Drama. Nous nous sommes rendus à Paris avec Cartier pour célébrer le 100e anniversaire de la collection Trinity au Petit Palais. La nuit a été marquée par un DJ set de Diplo et un concert exclusif de Sia et Labrinth.
Parmi les invités de cette soirée exclusive, le jeune couturier libanais Salim Azzam dont l’ouvroir est à la dimension de son village, Bater. Il ronge son frein, Salim, et se mord les lèvres pour ne pas révéler la surprise. Il a juré, promis, craché mais surtout signé un accord de confidentialité. De Paris où il est encore sidéré par ce qu’il lui arrive, il nous confie : « Cartier nous a fait venir pour une collaboration dans le cadre de lancement de cette célébration qui va se poursuivre tout au long de cette année. Nous avons été invités à la table du vice-président de Cartier pour parler de l’importance de cet événement, de l’unité et de ce que représente la bague Trinity, avec la présence de gens venus du monde entier.
Les festivités ont commencé à New York, puis Londres et Paris où tous les invités ont convergé. Une fête en trois parties, en toute logique. Mais d’ici à ce que notre collaboration soit révélée, tout ce dont je peux parler c’est l’énorme fierté que cela nous apporte, parce que nous représentons le Liban, avec un autre partenaire qui, lui, est sculpteur. Je vous laisse imaginer l’onde de joie qui nous parvient de la Maison. C’est tellement beau, tellement gratifiant au bout d’un parcours tellement difficile, disons-le honnêtement. Alors oui, tout ce que je peux dire et qui est évident, c’est que nous broderons pour Cartier au fil d’or et que cela sera un message important à propos de notre parcours et de nos origines. Je n’aurais jamais imaginé envoyer à nos brodeuses un tel brief. Dans les commentaires, sur Instagram, quelqu’un a relevé qu’il n’aurait jamais imaginé Cartier et la Qaraa (tasse à maté, accessoire traditionnel de la communauté druze) dans une même image. » Une histoire à suivre, dès que Cartier autorisera le lever de rideau.